Le quart d'heure de lecture de l'académie de Lille

Comment installer l’opération « Chut on lit ! » dans un établissement scolaire ?

Dans un courriel adressé avant la rentrée de septembre aux chefs d’établissement des collèges et lycées publics et privés de l’académie, madame le Recteur a incité à mettre en place des actions lecture au quotidien, de manière à favoriser le développement des pratiques de lecture et à installer un climat de sérénité dans les établissements.

Héritier du dispositif « Silence, on lit ! », le quart d’heure de silence souvent appelé « Chut, on lit ! » invite chaque élève à consacrer un temps quotidien à la lecture d’un ouvrage choisi librement par l’élève. Les expériences menées dans divers établissements de l’académie montrent que moment gagne à être d’emblée mis en place à l’échelle du collège ou du lycée tout entier et à être ritualisé. 15 minutes peuvent donc être dédiées chaque jour à la lecture – le créneau horaire le plus souvent choisi est celui du tout début d’après- midi -, auquel l’ensemble de l’établissement participe (il est en tout cas nécessaire que les professeurs ayant en charge les classes lisent en même temps que les élèves).

Les expériences menées témoignent toutes de l’apport de cette opération : elle développe le goût pour la lecture, d’une part ; l’établissement tout entier tire d’autre part parti de ce retour au calme – les enseignants de toutes les disciplines en témoignent. Les collèges qui ont déjà cette année expérimenté l’opération sur une période courte ont choisi, avec l’appui des enseignants de toutes disciplines et des élèves, de le pérenniser, y compris en REP+, tant il apparaît bénéfique à chacun. Les circonstances particulières que nous vivons, éminemment anxiogènes pour les élèves, invitent vivement à ritualiser ce temps de calme et d’évasion, au demeurant éminemment utile aux apprentissages.

La présence et l’engagement de l’équipe de direction sont déterminants pour faciliter la réussite de l’opération. Nous vous proposons donc ci-dessous quelques pistes, lesquelles pourront aider à sa mise en œuvre et vous permettre de répondre à quelques questions que vous vous posez :

Argumentaire sur les bénéfices

– Les bienfaits de cette activité de lecture :

✓ La lecture développe l’imaginaire et l’empathie.

✓ Elle contribue grandement à la formation de la personne et du citoyen en apprenant à l’élève à se lire et à lire le monde.

✓ Elle développe les compétences liées à la maîtrise de la langue (les résultats des tests témoignent de la nécessité d’entraîner régulièrement les élèves à lire, afin notamment d’améliorer la fluence).

✓ Pratiquée régulièrement, la lecture améliore les capacités de concentration, d’analyse, de synthèse et de créativité, et apparaît dès lors profitable à toutes les disciplines.

✓ Les compétences de lecture sont exercées dans toutes les matières enseignées à l’École et ont un impact déterminant sur la réussite de l’élève.

✓ Ce temps de lecture d’un ouvrage librement choisi par l’élève (et non imposé par le professeur) développe le plaisir de lire, aide à déscolariser l’activité et à la promouvoir.

✓ Dans tous les établissements qui mettent en place ce quart d’heure de lecture, l’on constate une augmentation de la fréquentation du CDI et des médiathèques des alentours ; les élèves lisent davantage chez eux.

– Ce temps de lecture a des effets éminemment positifs sur le climat scolaire de l’établissement :

✓ Ce quart d’heure de silence ne donnant lieu à aucune évaluation, il permet d’installer un espace de calme, de bien-être et de plaisir au sein des établissements. Ce temps d’arrêt est bienvenu et toujours bien vécu, tant par les élèves que par les adultes – et ce d’autant plus dans le climat actuel.

✓ Il constitue une expérience collective qui facilite le sentiment d’appartenance : les élèves partagent un moment avec l’ensemble du personnel dans le cadre d’un projet porté par la communauté éducative tout entière. La gestion des heures de permanence peut ainsi s’en trouver facilitée.

✓ Les élèves lecteurs sont valorisés par leurs pairs (lorsqu’elle est réduite au cours de français, l’activité peut au contraire être parfois stigmatisée).

– Le quart d’heure de lecture, un vecteur d’égalité : l’accès aux livres est très inégal selon les milieux. Les élèves sont souvent détournés de la lecture par les jeux, les réseaux sociaux et par un usage chronophage de certains outils numériques. Installée de manière durable et ritualisée en milieu scolaire, l’opération permet de familiariser durablement avec l’objet livre.

Quelques vidéos courtes disponibles sur internet illustrent l’un ou l’autre de ces bénéfices : https://youtu.be/6xbbcAc6m0o

https://www.youtube.com/watch?v=DyDEvPjv6YM

https://marcq-en-baroeul.org/actualite/archives-de-l-actualite/994-chut-au-college-du-lazaro-on-lit-2

QUELQUES CONSEILS :

Boite à outils pratiques pour débuter

✓ Constituer une équipe de quelques enseignants moteurs peut être efficace pour jouer de la conviction par les pairs.

✓ Expérimenter d’abord durant une période définie suffisamment longue permet de dégager des éléments d’analyse (période de vacances à vacances par exemple). Dans maints établissements, l’opération a été étendue et adoptée à l’unanimité après une première période d’essai.

✓ Proposer le projet en conseil pédagogique, puis au conseil d’administration permettra le cas échéant d’engager l’ensemble des équipes dans l’expérience.

✓ Nous recommandons vivement de ritualiser et de sanctuariser le moment choisi : afin de créer une habitude, il est recommandé de fixer un horaire identique chaque jour de la semaine ; le début et la fin du quart d’heure de lecture peuvent le cas échéant être identifiés par une sonnerie ou un message vocal. Certaines directions choisissent de mettre en suspens la vie de l’établissement durant ce temps consacré, parfois même en ne répondant pas au téléphone, en ne procédant pas à l’appel…

✓ On peut envisager, afin de ne pas empiéter sur les enseignements disciplinaires, lorsqu’on veut installer durablement « Chut, on lit ! », d’aménager l’emploi du temps, en gagnant par exemple 5 minutes sur le temps de la matinée, sur la pause méridienne, sur les récréations…

✓ Communiquer avec les parents permet de les impliquer : on peut lancer un appel aux dons des familles pour constituer des réserves de livres, la liste de fournitures scolaires peut informer qu’il sera nécessaire d’avoir un livre dans son matériel par exemple.

Lever les obstacles

Les oublis de livre

✓ Dans certains établissements, les oublis sont recensés au moment de l’appel le matin ; le documentaliste prépare ainsi des livres que les élèves viennent chercher avant le temps de lecture.

✓ Avoir des caisses de livres ou un chariot mobile dans les salles de classe, la permanence, les couloirs permet de pallier les oublis

✓ On peut nouer des partenariats et préparer des little free library en collaboration avec les médiathèques, les professeurs d’arts plastiques, les Segpa…

Et les élèves peu lecteurs ?…

✓ Accompagner les élèves dans une librairie choisir eux-mêmes des livres aidera à les impliquer.

✓ Varier les genres proposés aide à capter leur attention et les éveille à la diversité de la littérature : outre les romans, on peut ainsi inviter à découvrir des recueils de poésie, des 2 pièces de théâtre, des nouvelles, voire des romans graphiques.

✓ Le professeur documentaliste gagnera à être impliqué dans le choix des ouvrages à destination de ce public.

✓ Le silence est une condition très importante, en témoigne le nom même de l’opération ; reste que le quart d’heure peut si nécessaire et si possible être aménagé pour certains élèves à besoins particuliers : on pense par exemple, pour les élèves DYS, à certains livres adaptés (voir par exemple l’association Sondo) ou aux livres audio. Au centre de ressources ou dans une salle dédiée à l’accompagnement d’un petit groupe, l’on peut le cas échéant envisager de lire à haute voix des histoires à un petit groupe d’élèves.

✓ Nous recommandons d’utiliser des dispositifs existants pour renforcer les compétences de lecture et pour ménager le cas échéant des temps dédiés (devoirs faits, accompagnement personnalisé)

✓ Le quart d’heure de lecture peut être prolongé par différentes actions autour du livre, lesquelles contribueront sans nul doute à éveiller ou à développer le goût de lire : présentations d’ouvrages par des élèves, clubs de lecture, intervention du professeur-documentaliste et/ou d’intervenants extérieurs (auteurs, acteurs, personnel des médiathèques…).

Comment et pourquoi associer les disciplines scientifiques ?

✓ La lecture est une compétence indispensable à la réussite scolaire, y compris dans les disciplines scientifiques. Il existe une corrélation entre la résolution de problèmes mathématiques et la lecture : quand l’histoire racontée n’est pas comprise, ou quand la représentation imagée dans l’esprit du lecteur n’est pas suffisante lors du décodage, les risques d’erreurs induites sont accrus, cela devient un facteur de démotivation chez l’élève.

✓ Les textes recommandent durant toute la scolarité obligatoire un travail régulier et structuré qui permette aux élèves d’acquérir des automatismes et de maîtriser les mécanismes de la lecture pour lire de manière fluide et aisée ; de développer de solides compétences de compréhension des textes permettant d’aborder les écrits dans tous les champs disciplinaires (Bulletin officiel spécial n°3 du 5 avril 2018, Note de service n° 2018-049 du 25-4-2018)

✓ Recommandation n°19 du rapport Villani-Torossian : Développer et renforcer les échanges entre les autres disciplines et les mathématiques ; expliciter les liens entre la langue française et les mathématiques dès le plus jeune âge.

✓ La lecture encourage l’orientation vers les sciences. La disposition inventive est affaire de liberté, de décrochement : beaucoup de savants font leurs découvertes en se promenant, beaucoup de scientifiques s’intéressent à l’art (Pythagore, Leibniz, Poincaré…). Il ne s’agit pas d’opposer la science contre l’art, ni la réflexion contre l’émotion mais d’associer l’une et l’autre.

✓ Les adolescents se font par le rêve : il faut développer l’imaginaire scientifique pour leur donner envie de se lancer dans des études de sciences (utilité des ouvrages de J.Verne, de science-fiction, d’histoire des sciences…).

Pour aller plus loin

Nous vous encourageons à :

✓ Développer les échanges autour du quart d’heure lecture entre élèves et entre élèves et professeurs : partages de coups de cœur, conseils de lecture, cafés littéraires ou cercles de lecteurs, participation des élèves à la politique d’achat du CDI, création de florilèges, enregistrement de livres audio par les élèves…

✓ Lier l’opération à d’autres projets en faveur de la lecture : concours de lecture de la Grande Librairie, prix de lecteurs, projet Jeunes en Librairie, rencontres avec des auteurs…

✓ Amener peu à peu les élèves vers d’autres ouvrages que ceux qu’ils choisissent naturellement, soit en développant les exigences pour les lecteurs plus aguerris, soit en liant les lectures aux disciplines (lectures en langue étrangère par exemple)…

✓ Créer des événements aidant à diversifier les lectures et à en renouveler l’approche : Printemps des poètes, semaines à thème (littérature anglaise, la science-fiction…)

✓ Créer des coins lecture confortables dans les établissements (…)

Quelques exemples

« Chut, on lit ! » se met en place dans un nombre grandissant d’établissements de l’académie. Nous 3 pouvons, à titre d’exemple, citer trois d’entre eux qui ont inscrit le dispositif sur un temps long : le collège Pablo-Neruda de Vitry-en-Artois (62), celui du Lazaro à Marcq-en-Baroeul (59) ou encore la cité scolaire de Landrecies, qui le propose aux élèves de la 6ème au BTS.

Un groupe de travail académique s’est constitué sur ce dossier. Vous pouvez vous rapprocher de :

– madame Gwenn-Aëlle GEFFROY, IA-IPR de Lettres

– monsieur Franck LAURENT, IA-IPR EVS

– madame Myriam LOBRY, IA-IPR de Lettres

– madame Juliette WIEME, IA-IPR de mathématiques

Image d’illustration : pikisuperstar / freepik